Lettre à Gabrielle

26 mars 2015

Je m’étais bien juré de ne rien t’écrire en cette triste journée. Je n’ai cessé de rêver à toi pendant toutes ces nuits, de peur de t’oublier, pour que tu demeures pour toujours dans mes souvenirs. Mais c’est plus fort que moi. Je t’écris tout de même ce petit mot.

À la cabane à sucre - 2010Souvent je me répète que ça va mieux. Que j’ai finalement réussi à enterrer mon chagrin et que je vais recommencer à vivre, sans constamment penser à ce matin du 26 mars 2014.

Mais peine perdue.

Mais c’est un peu de ma faute. Tes photos m’entourent. Dans mon bureau, au chalet, sur les écrans de veille de mes appareils. Je nourris mon obsession. Comme un alcoolique qui se dit qu’il devrait arrêter de boire.

Tu ne le sais pas, mais de temps en temps je t’aperçois. Je te vois dans la pénombre du garage sur ta motoneige, ou au loin en train de lancer des cailloux sur le pont, ou endormi dans ton « soumfa ». Un jour, je vais consulter, mais en attendant je vis bien avec ces heureuses visions.

De toute façon, si tu étais vraiment un fantôme, tu ne pourrais pas me hanter plus que maintenant.

La vedette

Même un an plus tard, les gens qui ignorent ton départ nous reconnaissent et nous demandent de tes nouvelles. Tu étais la vedette au Canadian Tire, au Wal-Mart, au Costco, au supermarché et au magasin de 1000 $ du coin. En fait, tu étais plutôt la terreur des caissières qui surveillaient leur téléphone et leur caisse lorsque tu les approchais.

Le documentaire

Nous avons obtenu les trois heures de films qu’Habib avait tournés sur toi dans le but d’en faire un documentaire. Le projet ne s’est pas réalisé, du moins pour le moment.

Je n’avais pas réussi à en écouter une seule minute de ces vidéos. Même chose pour les deux heures de la cérémonie de tes funérailles que Mélanie a si gentiment tourné pour nous.

Mais ce matin, j’ai pris le temps et j’ai visionné quelques minutes des bandes d’Habib. Comme à l’habitude, tu m’as fait rire. Et je me suis dit que finalement avec ces images, tu pourrais encore toucher le cœur de ceux qui t’aiment. Cette vidéo de trois minutes a été tournée en 2011 dans le gymnase de ton école Le Tournesol à Pointe-aux-Trembles lors de ta dernière année de scolarisation (à 20 ans). Habib filme de loin les exercices d’éducation physique de ta classe d’autistes. Tu es consciente qu’Habib te filme et tu fais un peu la cabotine. Tu diras « Bonjour Laurence, Bonjour Habib » heureuse de l’intérêt que l’on te porte. Comme toujours, tu chantes, heureuse, enjouée et coquine.

Et tu nous manques beaucoup.

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J’ai toujours admiré ce grand sportif. Il patinait lentement, et ses grandes enjambées étourdissaient ses adversaires. Je me rappelle de son 500e but, deux jours après mon 14e anniversaire de naissance. Il avait compté 3 buts. J’ai même photographié la reprise de ce but à la télé avec ma petite caméra. J’ai encore la photo dans mon album. Un vrai fanatique.

Lorsqu’il était interviewé, il était un homme de peu de mots. Chacun de ses propos était soupesé. L’organisation de ses phrases et son vocabulaire recherché étaient inhabituels pour un joueur de hockey. Il était un érudit et lisait beaucoup, une denrée rare dans le monde du hockey de l’époque.

jb

Un cadeau surprise « pot-de-bière »?

En 2007, après la signature d’un important contrat avec un fournisseur influant, le grand patron de l’entreprise m’a offert un billet de hockey dans la section rouge au Centre Bell. C’était contre les Devils du New Jersey. J’étais très excité de savoir que je serai assis à quelques pieds de la baie vitrée et de Martin Brodeur. J’étais persuadé que j’allais passer la soirée avec des représentants de la compagnie.

En arrivant en haut du gradin, une hôtesse me prend par le bras pour me conduire dans la première rangée. Aucune trace des grands patrons de l’entreprise. Un colosse me regarde et me sert la main de sa patte d’ours. Je rêvais. J’allais être assis à côté de mon idole de jeunesse Jean Béliveau. Un bonus de signature incroyable. J’aurais peut-être dû en parler à la commission Charbonneau.

Malgré ma difficulté légendaire à engager la conversation (!), j’ai passé le plus clair du temps à discuter de politique avec M. Béliveau. Un gentleman. À la fin du match, une cinquantaine d’admirateurs faisait la file pour quémander un autographe. Il prenait le temps de signer avec gentillesse, avec un petit mot à chacun. Avec une vraie signature, pas un gribouillis comme les athlètes d’aujourd’hui. Je conserve précieusement mon billet d’entrée, avec sa signature à l’arrière.

Je l’ai croisé à quelques autres reprises au centre-ville de Montréal, à la gare Centrale et à la Place Ville-Marie. Tiré à quatre épingles, il marchait lentement et semblait en perte d’autonomie. Les gens s’arrêtaient pour lui parler et il leur souriait. Il était difficile de le manquer avec son chapeau de feutre, sa carrure et ses 6‘4″.

Des athlètes comme lui, il y en a peu.

Bon voyage, M. Béliveau

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